Qui sommes-nous ?

Natifs de Nantes et Ancenis (avec des ascendances vendéennes, finistériennes et méditerranéennes), nous nous passionnons pour les légendes relatives à nos contrées et, plus encore, au point de contact entre ces légendes et l’histoire, souvent secrète, dont elles procèdent. Le nom de notre maison d’édition, Trébuchet, résulte de cette approche toute personnelle. C’est le nom d’un personnage merveilleux, un étrange forgeron lacustre que l’on rencontre dans la Geste arthurienne de la quête du Graal, notamment chez Chrétien de Troyes.

Wolfram von Eschenbach, poète germanique du XIIIème siècle, nous donne dans son « Parzival » une indication topographique décisive concernant ce forgeron ex traordinaire. Il évoque une source « Lac »,« près de Karnant ». Certains chercheurs érudits (en particulier Georges Durville et Jean-Paul Lelu) en ont conclu qu’il s’agissait du Lac de Grand-Lieu près de Nantes.

Plusieurs articles du Bulletin de Société de Mythologie Française développent l’idée que certains évènements de la quête du Graal se déroulèrent dans la région avec, entre autres, la présence de Gauvain à Saint-Florent-le-Vieil. Ainsi, les Chevaliers de la Table Ronde seraient venus autrefois s’aventurer par chez nous ! Par ailleurs, Gustave Cohen, médiéviste, atteste du séjour de Chrétien de Troyes à Nantes en 1158. Serait-ce à cette occasion que le poète entendit parler de Trébuchet pour la première fois ?

Réfléchissons un petit peu à cette histoire de forgeron nantais et essayons de trouver les points de contact entre fiction et réalité. Nantes constituait autrefois un centre du travail des métaux. En plusieurs points de la ville, on a retrouvé des fours bronziers. Comme d’autres cités fluviales et proches d’un estuaire, le Pays nantais vivait sous le patronage de Vulcain. En témoignent les inscriptions à sa gloire, gravées dans la pierre, aujourd’hui conservées à l’Hôtel de Ville de Nantes. Nous pouvons également retrouver Vulcain dans certaines églises, christianisé en Saint-Pierre. L’iconographie parle d’elle-même comme sur cet exemple de l’église Saint-Pierre à Ancenis. Le chapeau si caractéristique de Vulcain trahit son origine antique. Vulcain, dieu forgeron antique et boiteux, Trébuchet, forgeron médiéval dont le nom renvoie également à la démarche claudicante. Tiens, tiens...

Le nom de famille Trébuchet révèle la trace d’ancêtres forgeron. Est-ce alors le personnage imaginé par Chrétien de Troyes qui aurait fini par désigner une famille d’artisans forgerons locaux ou, au contraire, un forgeron nantais, Trébuchet, réel ou mythique, aurait-il servi de modèle au poète pour composer son personnage ?

Ce nom est d’ailleurs bien connu des nantais qui peuvent apercevoir ici et là, à travers les rues de leur ville, un arrêt de bus ou une place au nom de Sophie Trébuchet, la mère de Victor Hugo, née à Nantes en 1772. Son père, le capitaine de navire Jean-François Trébuchet, était issu d’une famille de maîtres fondeurs et mouleurs des forges du Pays de la Mée. Voilà donc la fille d’une lignée de forgerons du Pays nantais qui enfante une légende vivante, un poète éternel. Où finit la réalité, où commence le merveilleux ?

Sophie est née à Nantes, mais Victor Hugo écrit

« Ma mère, cette Vendéenne... »

Il faut la ranimer cette forge locale magique, propice aux créations littéraires ! C’est ce que nous proposons en réveillant Trébuchet. Nous voulons rallumer la forge endormie de notre territoire. Célébrer sa mémoire, son histoire et leur source première, les légendes, qui toujours, comme la forge dans la nuit, discrètement, éclairent.

Pour réaliser sa quête, un chevalier a besoin de posséder une armure et des armes. Pour cela, il a besoin d’un forgeron. Notre maison d’édition propose d’oeuvrer dans le même sens, devenir une forge afin de procurer des ressources (immatérielles, mais sous forme de livres) aux chevaliers modernes qu’ont toujours été les poètes et les amoureux de la littérature.

« C’est le noble forgeron Trébuchet qui fit l’épée que t’a donnée le Roi Pêcheur », dit à Perceval sa cousine sous la plume de Chrétien de Troyes, « Au second coup que tu porteras, cette épée se brisera. Seul Trébuchet pourra à nouveau la forger et la tremper, grâce à la vertu de l’eau du lac près duquel il demeure. »

Trébuchet brille par son absence dans Le conte du Graal de Chrétien de Troyes. Il est le personnage mystérieux d’un roman inachevé, disparaissant presque aussitôt après avoir été nommé. Pour les spécialistes des Gestes arthuriennes, il semble évident que Trébuchet devait intervenir à nouveau à la fin de la quête de Perceval, pour forger une seconde fois l’épée brisée, mais les manuscrits ne nous sont hélas pas parvenus. Ce manque participe encore à sa légende et rappelle la ligne éditoriale de notre maison d’édition : aller chercher du côté de l’invisible de quoi éclairer notre réalité.

Dans la lignée du mouvement Planète (revue inclassable des années 1960) et du réalisme fantastique, nous sommes amoureux des frontières ténues. « Loin d’ici, proche de là-bas », tant dans les dimensions géographiques que temporelles, nous cultivons les paradoxes et entretenons avec soin la flamme de l’ambivalence. Des interstices aux précipices, nous explorons les zones où la lumière aime se réfugier ou se perdre.